Un frisson dégringole dans le dos d’Andrew lorsqu’il sort du château et s’engage sur le sentier serpentant entre la pelouse humide. L’été touche à sa fin et les premières pluies s’abattent sur l’Ecosse, faisant chuter les températures un peu trop violemment pour Andrew. Il y a quelques jours encore, il suait dans sa robe de sorcier - mais aujourd’hui, il est bien content d’avoir prévu son écharpe avant de sortir. D’un naturel plutôt frileux, Andy supporte mal les températures basses et l’humidité. Et pourtant, le voilà qui descend d’un bon pas vers le lac noir, désireux de se dégourdir les jambes après une matinée passée dans la bibliothèque, à travailler sur son prochain devoir de potion. Il est relativement rare lorsque le rouquin s’accorde des balades à l’extérieur, préférant la sécurité et le confort de quatre murs autour de lui et d’un toit au-dessus de sa tête. Quel Doxy l’a donc piqué pour qu’il se motive à aller dehors ? Lui-même l’ignore, mais peu importe. L’air frais qui picote ses joues est plutôt agréable, alors qu’il continue sa route d’un pas tranquille, croisant au passage quelques élèves qu’il salue d’un signe de la main. De toute évidence, l’air humide ne semble pas déranger grand monde. Sûrement est-il même accueilli avec un certain plaisir, après la grosse canicule de l’été. Andy lui-même n’est pas mécontent d’avoir moins chaud - à choisir, contre toute attente venant d’un frileux comme lui, il préfère ce petit vent frais que la chaleur insoutenable des derniers jours.

Plus Andrew s’approche du lac et moins il croise de personne. Bientôt, il n’entend plus que le léger ressac de l’eau léchant la rive. Le lac, immense et sombre, semble s’étendre à perte de vue devant lui. Cela le ramène des années en arrière quand, tout nouvel arrivé à Poudlard, il avait traversé ce même lac à bord des barques depuis la gare de Pré-au-Lard. Un garçon se pensant bien malin l’avait terrorisé en lui parlant du calamar géant vivant sous la surface de l’eau. Durant tout le trajet, Andy avait épié les profondeurs, craignant de voir apparaître un tentacule géant désireux de les faire couler. Bien évidemment, rien de tout cela n’était arrivé et d’après les professeurs, la créature gigantesque du lac était douce comme un agneau. Andy n’a cependant jamais cherché à vérifier cette information, et il s’était toujours tenu à distance respectable du lac, ne souhaitant sous aucun prétexte faire la connaissance des bestioles hantant ses eaux. Le calamar est peut-être gentil, mais qu’en est-il des strangulots et autres saletés mesquines ?! Non vraiment, plutôt mourir que de mettre un orteil dans les eaux noires du lac. Le voir de loin, c’est très bien. Largement suffisant. Ne pas le voir du tout, c’est même encore mieux.

Alors pourquoi Andrew s’est-il rendu jusqu’ici ? Il se fige en se faisant lui-même cette réflexion. En vérité, il n’y a pas vraiment pensé en décidant d’aller se promener. Il est sorti par l’une des nombreuses portes sans réellement réfléchir à sa destination. Maintenant qu’il se retrouve à quelques mètres des rives du lac, il réalise à quel point c’est une très mauvaise idée. Ainsi, armé de tout son courage inexistant, il fait volte-face, l’air de rien, et s’apprête-t-il à remonter le sentier comme s’il ne s’était rien passé lorsqu’il tombe nez à nez avec un Fléreur. Un Fléreur immense, au pelage doré et aux yeux jaune. Aussitôt, Andrew recule de quelques pas, comme s’il venait de recevoir une décharge électrique. Un gémissement meurt dans sa bouche alors que la créature abominable le toise. Pourquoi le regarde-t-elle comme ça ? ! Et qu’est-ce que ce Fléreur fait ici, pour commencer ? S’est-il échappé de son enclos près de la cabane destinée aux cours de soin aux créatures magiques ? L’animal ouvre la bouche, dévoilant deux rangées de petites dents aiguisées. Elle se contente de bâiller mais pour Andy, c’est une véritable menace. Elle veut le manger, c’est sûr. Le Fléreur l’a vu se balader et compte faire de lui son déjeuner. Adieu, monde cruel..!

C’est alors qu’Andrew aperçoit une silhouette du coin de l’oeil. Un élève arrive vers eux. Voici sa chance d’échapper à une mort certaine ! Reconnaissant le jeune homme marchant dans leur direction, Andy le hèle :  

" - Evan..! S’il te plaît, aide-moi…! Je ne veux pas mourir !"

Le corps secoué de tremblements, Andrew ne quitte pas la créature démoniaque des yeux, prêt à détaler en courant si jamais elle faisait le moindre pas vers lui. Comment ce fichu Fléreur a pu se retrouver là, en liberté dans la cour du château ? Les professeurs ne pensent-ils donc pas à la sécurité de leurs élèves ? Aujourd’hui c’est un Fléreur mais demain, ce sera quoi ? Un Hippogriffe ? Un loup-garou ?! Sans parler des Centaures qui parcourent librement le domaine ! Bon, Andy ne les considère pas comme des créatures à proprement parler, car ils sont dotés d’une intelligence toute humaine mais … leurs sabots énormes lui flanquent la trouille. Rien que leur martèlement au loin quand ils galopent lui donne des sueurs froides. Voilà pourquoi Andrew ne sort jamais : le monde extérieur est peuplé de trop de créatures effrayantes pour qu’il s’y risque en toute sérénité. Il en vient à vraiment regretter sa balade - quelle idée de génie il a eu, tient !

Heureusement, Evan arrive dans sa direction. Andy sait que son camarade Serdaigle participe aux cours de soin aux créatures magiques et qu’il sera donc capable de le sauver du Fléreur. Bien que surpris d’avoir été ainsi interpellé, Evan arrive dans sa direction et s’approche sans peur de l’énorme chat, qui ne sourcille même pas quand le jeune homme se penche vers lui pour le prendre dans ses bras. Quel courage ! Alors qu’avec ses pattes énormes, il pourrait le défigurer en un rien de temps ! Rassuré de se savoir hors de danger, Andrew se détend et pousse un long soupir. Il a vu la mort dans les yeux, mais le voilà sain et sauf. Quelle aventure..!

" - Merci. J’ai bien cru que mon heure était arrivée. Il n’était pas là et d’un coup, paf, il était là à me regarder droit dans les yeux ! Je t’assure qu’il voulait faire de moi son quatre heures. Son regard était … affamé."

En vérité, le pauvre et gentil Fléreur voulait seulement quelques câlins, mais la peur irrationnelle d’Andy a changé ses bonnes intentions en des menaces de mort. Bien que la bête soit maîtrisée par Evan, Andrew demeure à une distance raisonnable. Sait-on jamais, si elle venait à se jeter des bras de son camarade pour achever sa funeste mission… Andy fait un pas en arrière. Il vaut mieux être trop prudent. Les animaux sont imprévisibles, il l’a appris à ses dépends quand il n’était encore qu’un petit garçon. Ne leur fais pas confiance, se répète-t-il en boucle depuis des années.

" - C’est .. normal qu’il soit en liberté comme ça ? Je croyais que les Fléreurs avaient un enclos quelque part dans le domaine."